Question : Je suis la route de céramique qui n’est pas en céramique. Je fais plus de 6 km de long. Apres 3 ans de travaux, je suis dans le Guinness Book des records. Qui suis-je ?
Réponse : je suis une des attractions les moins connues de Hanoi, un ouvrage d’art unique au monde ; je suis la route de céramique le long de la Rivière Rouge.
Fondée en 1010 par l’empereur Li Thai To, Thang Long est nommée en 1831 "chef-lieu" par le roi Minh Mạng, qui en profite pour la rebaptiser Ha Noi, ce qui signifie « la ville entre les fleuves ». S’il pensait surtout au chef-lieu d'une prestigieuse commanderie du temps des Han en lui donnant ce nom, il n’en reste pas moins que celui-ci illustre parfaitement la situation de la capitale du Vietnam, à la merci des caprices du Fleuve Rouge. C’est pour contenir ces débordements que les Français de l’époque coloniale ont érigé une digue à l’Est du centre-ville (donc sur la berge ouest du fleuve). En fait, ils ont renforcé un ouvrage qui était là depuis la fondation de la cité.
Il faut comprendre que, comme le disait un historien de Hanoi, «Sans la digue, il n'y a pas de Vietnam». Le delta du fleuve Rouge n'a pu devenir le berceau de la nation vietnamienne que grâce au contrôle des inondations et de l'irrigation, ce qui a permis le développement de la riziculture et de la civilisation qui s’y rattache. D’autre part, la mémoire collective garde le souvenir d'inondations catastrophiques et encore aujourd'hui, à la saison des pluies, il n’est pas rare que la capitale se retrouve avec les pieds dans l'eau (Elle est bâtie à trois ou quatre mètres en-dessous du cours du fleuve). Pour ce qui est des travaux français, objectifs atteints : l’ouvrage a même résisté aux B52 de Nixon. Il faut comprendre aussi que, pour les Vietnamiens, un manque d'entretien de la digue est la preuve d'une mauvaise gestion de la part des autorités. Or, connu sous le nom de Nghi Tam, ce quartier entre Tay Ho et le Fleuve Rouge, a longtemps été « le paradis des mafias enrichies et du mauvais goût » - pour citer un écrivain local - dans lequel corruption et spéculation immobilière ont failli faire sauter mieux que des bombes cet ouvrage plusieurs fois centenaire. Suite à une décision du premier ministre Vo Van Kiet - qui a l’époque avait fait débat - le printemps 1995 voit le quartier rasé, nettoyé, reconstruit. Nghi Tam devient le quartier chic et chaud de la capitale.
Nous sommes en 2010. Si vous êtes arrive jusqu’ici dans votre lecture, vous vous souvenez donc certainement qu’il y a 1 000 ans de cela, Hanoi prenait naissance dans les alluvions du Fleuve Rouge. La capitale se devait de célébrer un tel évènement ! Parmi la foultitude de projets, il y en eut un qui allait marquer son temps.
Mme Nguyen Thu Thuy est journaliste et peintre. Elle travaille pour un journal local et emprunte quotidiennement un long tronçon qui longe la fameuse digue. Elle trouve l’endroit de plus en plus sale et moche. Passionnée par Gaudi, elle a alors l’idée d’embellir le mur de soutènement de la digue d’une immense fresque. Celle-ci se décomposerait en des panneaux qui raconteraient la vie de Hanoi, depuis sa fondation jusqu’à nos jours, retraçant des scènes de vie quotidienne aussi bien que les éléments fondateurs de la Cité. Elle dira aussi avoir été fortement influencée par ce qu’elle a vu des fouilles archéologiques au centre de la citadelle impériale de Thang Long. Une influence qu’on retrouve facilement dans les motifs de têtes de phénix, dans les grandes têtes de dragon en terre cuite, les motifs décoratifs architecturaux, les briques de fleurs de chrysanthème de la dynastie Ly, les grandes jarres en céramique à fleurs brunes de la dynastie Tran, les vases en céramique à glaçure bleue et blanche de la dynastie Le… Elle réussira le tour de force de fédérer une cinquantaine d’ambassades, des artistes, des mécènes et des petites mains bénévoles pour colorer en mosaïque les 6 km de digue. Malgré les doutes et le scepticisme des uns et des autres, le projet "Route en céramique le long du fleuve Rouge - un cadeau à Hanoï à l'occasion des 1 000 ans" est lancé en novembre 2006. Les travaux débuteront en 2007 pour se terminer 3 ans plus tard, à la date anniversaire des 1 000 ans de Hanoi.
Courant du Nord au Sud, l’avenue qui longe la digue est un axe majeur de circulation dans la capitale et change plusieurs fois de nom : Au Co, Nghi Tam, Yen Phụ, Tran Nhat Duat, Tran Quang Khai et Tran Khanh Du.
Le mur de céramique est long de 6,5 kilomètres et haut de 95 centimètres, ce qui fait 6 950 m2 de faïence et un record mondial, inscrit dans le Guiness World Record. Un record validé le 5 octobre 2010 sous l’appellation de « plus grand mur en mosaïque céramique au monde ». La mosaïque murale est composée de millions de tesselles venant du fameux village de potiers de Bat Trang. Comme on l’a vu, l’ensemble forme une succession de tableaux, chacun illustrant un des éléments constitutifs de la capitale : des cultures Phung Nguyen et Dong Son aux dynasties impériales, des scènes de vie aux sites emblématiques du Vietnam, jusqu’aux dessins des enfants sur le thème « Hanoi, ville de la paix ». Ici et là, vous verrez également les logos des sponsors et autres institutions qui ont été assez fous pour croire dans ce projet (l’Institut Goethe, l’Alliance française, le British Council pour ne citer que ceux-là) et le financer.
Une œuvre unique, qui détonne au milieu du trafic mais qui sera prétexte à une balade hors des ruelles habituelles du centre-ville (venez tôt pour être tranquille).
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