Il est des villes où l’on mange pour se nourrir. À Hué, on mange pour ressentir.
Plus qu’un simple plaisir des papilles, la cuisine de Hué est un patrimoine vivant, né dans les cuisines des empereurs et transmis, génération après génération, par des mains discrètes mais passionnées.
Dans cette ancienne capitale, chaque plat est un poème, chaque bouchée une note de musique, chaque recette un récit d’histoire. Ce guide vous invite à découvrir l’univers raffiné et délicieusement complexe de la gastronomie royale de Hué, une cuisine qui parle au cœur autant qu’au palais.
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Durant la dynastie des Nguyễn (1802–1945), les empereurs exigeaient une cuisine à la hauteur de leur rang. Plus de 50 plats étaient parfois servis en un seul repas royal, avec une attention méticuleuse portée à la présentation, aux textures, aux couleurs et aux symboliques.
Cette exigence a donné naissance à une cuisine hautement codifiée, artistique et symbolique, souvent comparée à la haute gastronomie française.
La cuisine de Hué n’est pas isolée : elle s’est nourrie des influences du Nord (sophistication), du Sud (abondance) et même de la Chine (techniques impériales). Mais elle a su créer son propre langage culinaire, empreint de subtilité, d’harmonie yin-yang et de raffinement.
Souvent considéré comme l’équivalent du phở du Nord, le bún bò Huế est bien plus épicé, plus riche en goût, plus complexe dans sa préparation. Bouillon de bœuf, citronnelle, pâte de crevettes, sang coagulé, herbes fraîches : un plat complet et profondément ancré dans l'identité de la ville.
Hué est la capitale incontestée des « bánh », ces petites bouchées de riz cuites à la vapeur, souvent servies en assortiment :
Bánh bèo : petits disques de farine de riz, surmontés de crevettes séchées, échalotes croustillantes et huile parfumée.
Bánh nậm : galette de riz garnie, cuite dans une feuille de bananier.
Bánh bột lọc : ravioli translucide à la crevette et au porc.
Chaque bouchée est une œuvre miniature, à déguster avec les doigts et le cœur.
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À l’origine consommé par les lettrés et moines, le cơm hến est un plat à base de riz froid, de petits coquillages d’eau douce, de vermicelles, d’herbes, de cacahuètes, et de bouillon chaud. Mélange de textures et de températures, il incarne l’ingéniosité des Huéens dans l’art d’accommoder les ressources locales.
La ville de Hué est célèbre pour ses chè, des desserts à base de haricots, de fruits, de tapioca ou de fleurs. On en compterait plus de 36 recettes différentes, toutes aussi créatives les unes que les autres.
Quelques exemples emblématiques :
Chè bông cau : à base de graines de lotus et de lait de coco.
Chè khoai môn : avec du taro et des perles de tapioca.
Chè long nhãn hạt sen : un dessert royal avec du lotus et du longane, servi autrefois aux empereurs.
Ces desserts, souvent servis froids, sont autant une pause sucrée qu’un geste artistique. Le jeu des couleurs, la transparence des ingrédients, la fraîcheur subtile : on est loin du sucre envahissant. C’est une douceur réfléchie, comme un dernier mot chuchoté en fin de repas.
Ancient Hue Garden Houses : cuisine impériale dans une maison-jardin authentique.
Les Jardins de la Carambole : décor colonial et plats historiques reconstitués.
Y Thao Garden : repas impériaux servis en costume, avec menu royal complet.
Chè Hẻm (rue Hùng Vương) : pour découvrir les chè typiques dans une ruelle pleine de vie.
Quán Hương – Cơm Hến : adresse culte pour le riz aux coquillages.
Quán Bà Đỏ : célèbre pour les bánh bèo et autres spécialités vapeur.
La cuisine de Hué ne cherche pas à impressionner par la quantité, mais par l’intention. Chaque geste, chaque saveur est pesée. Ce n’est pas une cuisine tape-à-l’œil, mais une gastronomie de l’âme, qui reflète le calme, l’intelligence et la profondeur de l’esprit huéen.
Malgré la modernisation, de nombreuses familles de Hué perpétuent les recettes impériales. Des mères enseignent aux filles l’art de rouler le bánh, des anciens partagent les secrets du bouillon royal. Ce patrimoine est vivant – dans les maisons, les ruelles, les marchés.
Hué ne se dévore pas, elle se savoure. Dans cette ville où la lenteur est une philosophie, la cuisine devient une façon d’entrer en contact avec l’histoire, la nature, les gens et soi-même.
Ce n’est pas un simple repas. C’est une rencontre.
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